Management en exercice

Qu’est ce que le management en exercice ?

Le quotidien d’un manager se décline en une large palette d’activités. Elles se combinent, se superposent, mais peuvent aussi entrer en contradiction les unes avec les autres ; règnent ici éclatement et profusion. Une fois le constat fait de cette complexité au jour le jour, on omet souvent de considérer un aspect pourtant majeur de cette fonction : dans l’immense majorité des situations, le manager est aussi managé. Cette spécificité ne modifie en rien la palette des activités qui sont les siennes, mais elle joue sur la manière de les accomplir, elle est la propriété par excellence du management en exercice. De cette large palette (développer les performances des collaborateurs, évaluer les risques pour les prises de décision, mener des négociations, savoir varier le style managérial, savoir déléguer, faire confiance, monter et faire monter en autonomie, etc.), nous allons extraire trois facettes : le changement organisationnel, l’évaluation et le travail en équipe, qui sont autant de temps forts du management en exercice.

Dans des environnements toujours plus complexes et concurrentiels, le changement s’impose à la fois comme une évidence et une nécessité. Mais les outils mis en place pour le mettre en œuvre relèvent le plus souvent du réflexe que de l’analyse, du bon sens et de la pensée. À titre d’exemple, nombre de « solutions » proposées parviennent à accomplir ce miracle qui consiste à prétendre avoir trouvé les clés de la réussite du changement sans jamais se soucier des raisons, peut-être légitimes, que les individus pourraient avoir de s’y opposer. Les formations et bons conseils pour faciliter la mise en œuvre d’un changement débouchent le plus souvent, non sur un effort pour décrire, analyser et tenter de comprendre la nature de ces résistances, mais sur des moyens mis à disposition du manager pour pouvoir les vaincre. Dans cette attitude, ce qui passe à la trappe renvoie ni plus ni moins à ce qui se joue dans le travail, les représentations qui y sont accolées, la valeur qu’il peut avoir pour les intéressés et le sens qu’ils lui confèrent. En procédant de la sorte, le management en exercice risque de perdre se crédibilité.

En ce qui concerne l’évaluation, nous ne retiendrons ici que l’entretien annuel d’évaluation. Ce type d’évaluation compte parmi les temps forts de la vie en entreprise. C’est en effet à cette occasion que l’entreprise renvoie au collaborateur une image de sa valeur par la voix du manager. On comprend que ce moment crucial soit lourd d’enjeux pour le manager comme pour les membres de son équipe. En effet, les difficultés ne sont pas négligeables ! Il s’agit donc d’évaluer le travail accompli ainsi que son auteur. Malheureusement le raffinement des grilles d’évaluation ne parvient pas, et ne peut parvenir, à dévoiler le travail réel. Ce faisant, on a tôt fait de confondre ce qui a été atteint, les objectifs, avec ce qui a été accompli pour le faire, soit, l’exercice même du travail. Mais ce passage par l’évaluation hérite d’une autre difficulté, elle aussi difficilement surmontable, au moins tant qu’on n’en prend pas conscience. Cette difficulté tient au fait que l’injonction faite aux uns et aux autres de travailler simultanément dans la coopération et la concurrence ne manque pas d’entraîner des conduites déloyales. Dans ces conditions, comment un outil censé produire sentiment de justice et d’équité pourrait-il parvenir à ses fins ? La question de savoir ce que l’on évalue réellement dans l’évaluation reste en suspens… Le management en exercice joue gros à ne pas prendre en compte ces réalités.

« Le tout est plus que la somme des parties ». Voilà pourquoi la recherche de l’efficacité du travail en équipe est en soi complexe. Là aussi, les préconisations apportées par nombre de consultants attestent d’un effort pour faire entrer coûte que coûte la réalité dans les outils. Les réalités (difficultés, obstacles, enjeux) propres au travail en équipe se trouvent pour ainsi dire pliées, et même niées, sans que des outils adaptés et ajustés à chaque situation ne soient proposés. Les recommandations pratiques relevant du bon sens, et qui pourraient maximiser le rendement du travail en équipe, viennent ainsi à manquer. La recherche de l’efficacité impose pourtant ici d’admettre que l’autorité ne se décrète pas, que l’acceptation par les uns de l’autorité des autres se gagne et se mérite, d’admettre aussi que chacun cherche à accroître ses zones de pouvoir (notamment par la rétention d’informations), de comprendre qu’il peut ne pas être aisé de faire travailler ensemble des individus issus d’horizons salariaux et sociaux différents, de comprendre que les mots peuvent ne pas avoir le même sens pour chaque individu, et que chacun, en des proportions et pour des raisons différentes, ajuste la réalité à ses désirs, etc. Ici aussi, l’impasse faite sur ces réalités risque de conduire à l’opposé de l’effet recherché.